À quelques jours de rencontrer Rodez-Aveyron (8ème journée), nous avons eu plaisir d’échanger avec Gregory Ursule, directeur sportif du club aveyronnais. L’ancien milieu défensif a été sacré champion de France de D2 avec l’ACA il y a 20 ans, lors de la saison 2001-2002. Le joueur combatif et généreux a disputé 84 matchs avec le maillot Blanc et Rouge entre 1999 et 2002. Interview.
L'ACA m'a permis de m'affirmer
Gregory, comment s’est passé votre arrivée à l’ACA en 1999?
À cette époque, j’étais un jeune joueur. Le Stade Rennais m’avait proposé mon premier contrat professionnel un an plus tôt. J’ai très peu joué et le club cherchait de nouveaux joueurs. Le directeur sportif de Rennes, Gérard Lefillatre avait des contacts à Ajaccio. Le club venait de monter en D2 et avait envie de débuter un nouveau cycle professionnel. J’ai signé à l’été 1999, Battì Gentili était l’entraîneur avec Albert Vannucci. Nous avons vécu deux saisons difficiles mais nous nous sommes maintenus à deux reprises. Avant l’arrivée de Rolland Courbis et la saison que vous connaissez. Ajaccio m’a permis de disputer mes premiers matchs professionnels, c’était une belle découverte. L’ambiance à Ajaccio et en Corse m’ont permis de réaliser un bel apprentissage, de m’affirmer un peu plus dans mon poste de milieu défensif.
Abnégation et travail : les valeurs de la Corse
Le club venait à peine de remonter dans le monde professionnel après 25 ans d’absence, quels souvenirs vous gardez du club à votre arrivée?
Quand j’arrive, le club est vraiment au tout début de son développement. Il n’y avait pas de centre d’entraînement et on voguait entre le stade Barthélémy-Silvani et celui de Baléone. Il y avait un groupe qui avait vécu des émotions fortes ensemble, et 4 joueurs à fort potentiel comme Samba N’Diaye sont venus renforcer nos rangs. Chacun pouvait amener quelque chose au groupe et cela a collé tout de suite. On ne pensait pas partir aussi vite au début de la saison 2001-2002 car nous venions de vivre deux saisons difficiles et le championnat de D2 était très compétitif.
Vous avez pris part à cette belle saison au poste de milieu défensif, quel regard portez-vous sur votre parcours en 2001-2002?
Pour ma part, j’ai beaucoup joué lors de la première partie de saison et j’ai parfois porté le brassard de capitaine. On a réalisé un super parcours, à la moitié du championnat on avait des points d’avance par rapport au tableau de marche fixé par Rolland Courbis et son fidèle adjoint Jacques Vankersshaver. La seconde partie de saison a été plus difficile pour moi en raison d’une blessure, double fracture de la jambe. J’ai suivi la deuxième partie de saison mais j’y ai moins pris part. Je n’étais peut-être pas un grand technicien mais j’essayais d’abattre une grosse charge de travail sur le terrain, je mettais le pied, je ne lâchais pas, j’étais sur les valeurs de la Corse : le travail, l’abnégation et je jouais sans peur. Des joueurs plus techniques sont justement arrivés pour passer le cap et nous aider à décrocher ce titre.
Un groupe avec une très grande qualité humaine
Est-ce qu’il y a un coéquipier qui vous particulièrement marqué au cours de cette saison?
Cette saison-là, je me suis rapproché de Toto Squilacci, il arrivait de Monaco en prêt et on est devenu compères. J’allais au premier poteau sur corner et je devais dévier le ballon pour Toto qui marquait de la tête au second poteau. Il a marqué ce fameux but de la tête mémorable contre Niort à la 35ème journée qui nous a permis de valider notre promotion. Toto est arrivé sur la pointe des pieds et a réalisé le parcours que l’on connait. Je suis fier d’avoir joué avec lui. Samba N’Diaye était aussi un phénomène, il nous avait fait une roulette un jour à Grenoble un truc exceptionnel et il avait marqué. Tout le groupe était quand même de très grande qualité humaine.
Des anecdotes inoubliables
En interrogeant tous les anciens joueurs de cette saison, vous avez tous de nombreuses anecdotes à nous raconter !
Encore aujourd’hui oui ! Je me rappellerai toujours d’une causerie de Rolland qui dit à propos de Xavier Gravelaine (joueur de Caen à cette époque) : « Faites attention, c’est le seul joueur qui fait feinte, de feinte, de feinte, de feinte de frappe. Le premier qui se jette je le découpe ». Et sur un ballon en retrait, un coéquipier se jette sur la feinte de frappe et Gravelaine marque le but.. Rolland était fou de rage sur le banc et ça m’a fait rigoler car c’était une de ses premières causeries, il y avait tout le personnage qui était dans cette causerie.
Une autre anecdote, quand je suis arrivé je n’étais qu’un jeune adulte, j’en ai encore les frissons quand j’y repense, c’était fantastique. La première année, je suis arrivé pour signer j’avais encore les dreadlocks et Michel Moretti m’a dit au début de la saison : « Je ne veux pas ce genre de coiffure ». Du coup, en stage, Martial Robin, David Jaureguiberry et moi nous nous étions coupé les cheveux dans la chambre. Puis j’ai fait toute ma carrière la tête rasée (rires).
L'ACA, un club formateur
Que pensez-vous de l’évolution de l’ACA aujourd’hui?
Pendant que j’étais joueur, je continuais d’étudier. J’ai réalisé tout un mémoire sur le développement de l’ACA. Je connais toute l’histoire du club : qui a œuvré au sein du club, qui a maintenu la flamme quand le club a traversé des années difficiles, les ambitions de Michel Moretti, la propriété du stade François-Coty puisqu’à cette époque je crois que seul Auxerre et Ajaccio étaient propriétaires de leurs installations. J’ai vu le cassage de la grande colline derrière le but pour faire la tribune et j’ai pu voir les évolutions des infrastructures. Après je sais que les supporters attendent toujours un petit peu plus mais si on remet l’ACA dans son environnement et parmi les concurrents, je trouve que ce qui est fait est déjà exceptionnel.
L'Aveyron, une terre avec des valeurs et une identité
Vous êtes aujourd’hui directeur sportif à Rodez, vous avez toujours eu cette volonté de devenir un acteur d’un club?
J’ai toujours eu envie de prouver, notamment en passant mes diplômes, qu’un joueur de football peut être un bon chef d’entreprise, un entrepreneur. Aujourd’hui je suis fier de ce que j’ai pu accomplir en tant que footballeur et je suis fier de pouvoir œuvrer pour l’avenir de Rodez. Nous sommes un territoire avec une identité, comme Ajaccio, et nous voulons le cultiver. Mon président, Pierre-Olivier Murat, est quelqu’un de ma génération avec qui j’ai grandi et joué. Il a ce côté paternaliste, défenseur de nos valeurs et de notre territoire. Nous sommes les aveyronnais. Et Michel Moretti était comme ça également avec toute son intelligence et ses facilités oratoires pour capter l’attention. Il représentait l’insularité, la fierté et je pense que certains joueurs comme Xavier Collin, Cyril Granon qui ont évolué longtemps à l’ACA ont eu cette identité. Mon passage à Ajaccio a été très formateur pour tout cela. Je souhaite à l’ACA de pouvoir remonter en Ligue 1 un jour et à notre club Rodez Aveyron de se pérenniser dans le monde professionnel.