Il existe dans notre histoire des personnages dont on parle peu mais qui ont pourtant marqué des générations entières d’Ajacciens ! Au début des années 70, alors que l’équipe première évolue dans le giron professionnel, l’ACA compte dans ses rangs une personnalité emblématique de la ville. Laurent Pieri, dit Pignol, était connu de tous pour ses finuchjetti et apprécié dans la cité impériale toute entière pour ses qualités humaines et sportives. Celles-ci lui ont permis de transmettre sa passion pour le football au plus grand nombre, au point de révéler plusieurs joueurs professionnels. Footballeur émérite, éducateur hors-pair, Laurent Pieri a consacré sa vie au football ajaccien. Retour sur le parcours d’un personnage haut en couleurs.
Une figure du quartier U Borgu
Si l’on vous dit Oratoire San Ruchellu, Chapelle impériale ou encore Musée Fesch. Vous nous répondez forcément… U Borgu. Pour comprendre qui était Laurent Pieri, c’est dans ce célèbre quartier d’Ajaccio qu’il faut se replonger et remonter le temps de quelques décennies. Comme on remonterait le faubourg aujourd’hui de la Piazzetta à la place des Palmiers. Le long des ruelles, on reconnaît les maisons de l’époque génoise et la vie qui prenait sens à Ajaccio. Comme celle de Pignol. Arrêtons-nous un instant devant les Galeries de la Rue Fesch. Derrière les arcades précisément, c’est là qu’est né Laurent Pieri le 1er mai 1925. C’est là où le personnage a grandi et vécu toute sa vie. C’est là que le sportif a appris les valeurs de partage et de respect qui l’ont caractérisé. À l’image de ses pairs dans la cité impériale, Monsieur Pieri aimait la macagna, son commerce, la politique et… le football.
Joueur émérite avant de devenir éducateur
Avant-centre, puis milieu de terrain, Laurent Pieri a d’abord porté les couleurs du FCA entre 1945 et 1948. Il a ensuite évolué sous les couleurs de l’ACA 3 années durant avant de retrouver son club d’origine et d’enchaîner les matchs dans plusieurs clubs ajacciens. À son riche palmarès, Laurent compte deux Coupes de Corse (en 50 avec l’ACA et en 53 avec le Bistrot), trois titres de champions de Corse, une coupe Raoul-Bonan en 1948 en Tunisie ou encore deux Challenges Lelong (1950-1955). Mais Laurent Pignol reste dans toutes les mémoires avant tout pour ses qualités de meneur d’homme et d’éducateur.
Le N°8 pour les finuchjeti
Une passion pour laquelle il donnait l’essentiel de son temps après sa carrière de joueur. Son fils Joseph se souvient : « Il était un grand passionné et consacrait beaucoup de son temps au football. Après les entraînements il rentrait manger et repartait au four à 23 heures pour fabriquer les 1 500 finuchjetti qu’il devait produire au quotidien ». À cette époque, cette spécialité culinaire d’Ajaccio était appréciée et prisée par tous. Laurent Pieri en était l’artisan et aimait aussi rappeler, non sans humour, qu’il portait le numéro 8 pour rappeler la forme de ce biscuit local. Toussaint Martinetti, qui avait rejoint le groupe professionnel à l’âge de 17 ans seulement se remémore celui qu’il a eu comme éducateur : « Il avait une vie de famille, travaillait et il consacrait un temps fou au football. Il était à l’écoute des jeunes ».
Un formateur reconnu
Laurent Pieri est en effet à la base de la formation de nombreux joueurs professionnels. Batti Gentili, Alain Collina, Michel Vigneau… tous ont été façonnés par cet homme qui avait un don pour le football. « Cet homme-là sentait le football, il connaissait très bien notre sport » confirme Georges Jacomo qui est aujourd’hui encore à l’ACA après avoir fait partie des cadets qui ont brillé sur le plan national en 1973. L’exploit est encore aujourd’hui retentissant. Cette année-là, l’équipe première ne brillait pas spécialement en deuxième division. Ce sont les Oursons, emmenés par Laurent Pieri, qui ont eu le prestige de disputer la finale de la Coupe Paul-Nicolas (équivalent de la Coupe Gambardella) au Parc des Princes après avoir éliminé Bastia, Lyon, Caen ou encore Nancy. Avant de s’incliner en finale face à Nantes. Les héros de cette épopée de jeunes se nomment Jacomo, Scala, Pierlovisi, Tomeï, Secchi, Casili, Baldovini, Cecchini, Cucchi, Batti Gentili, Riu, Meloni, Torre. Cette génération dorée avait été préparée par Laurent Pieri.
Papa a donné ses tripes pour l'ACA
« Il était infatigable ! Laurent Pieri nous faisait suivre 4 entraînements par semaine » témoigne Georges Jacomo. Il permettait aux plus jeunes de prendre conscience de leurs capacités en les exploitant au maximum. Les anecdotes ne manquent pas pour décrire la qualité du travail effectué par Laurent Pieri. « En 1970, il avait réussi à remettre Max Richard en condition physique pour qu’il retrouve le niveau professionnel » se rappelle Toussaint Martinetti.
Sans moyens, l’Ajaccien se montrait inventif pour faire progresser les jeunes. Parfois, ils s’entrainaient sur un petit espace en terre qui se situerait aujourd’hui en face de la Chambre de Commerce de Corse-du-Sud. « Quelques piquets, un ballon… lui suffisaient pour mettre en place une séance d’entraînement » nous content les anciens joueurs de l’ACA. Son fils aussi s’amuse parfois de l’ingéniosité de son père. « Je me souviens une fois il avait représenté des joueurs avec des sucres blancs et roux sur une table pour expliquer la tactique à ses joueurs ! » révèle Joseph Pieri.
Laurent Pieri fait aujourd’hui la fierté de l’histoire de notre club. Il était capable de faire partager sa passion et l’a prouvé des catégories juniors jusqu’à l’équipe réserve des Ours (DH) ou encore aux Cadets Corses qu’il a eu le privilège de diriger grâce à ses qualités. Des dizaines et des centaines d’Ajacciens ont aimé et pratiqué le football grâce à lui. « Il est toujours dans nos mémoires, nous ne l’oublierons jamais » témoigne Toussaint Martinetti. À l’instar des Azzouz, Dumè Luciani et de ceux qui ont posé les bases de la formation du football à Ajaccio, Laurent Pieri n’est pas oublié depuis sa disparition en 1995. L’Amicale des Anciens joueurs de l’ACA, présidée par Jean Marcialis, prévoit prochainement d’organiser un tournoi avec l’Olympique Ajaccien notamment en mémoire de Laurent Pieri.
« Papa a donné ses tripes pour le club, pour Ajaccio et pour son football » conclut Joseph Pieri. En attendant d’honorer son souvenir par un événement sportif, ce portrait est véritable hommage au personnage et forcément aux racines de notre club. Forza ACA!